1537 : une ville, le soir
Même si ce n’est
que partie remise, petite déception hier à la lecture de son mail
m’indiquant qu’elle devait décommander notre rencontre de samedi.
J’espère, sans allusion graveleuse aucune, que c’est reculer pour mieux
sauter. En fait si, c’était une allusion graveleuse ; si ma libido a
déserté mon string, elle est toujours bien présente dans mon esprit et
je m’en voudrais de me priver d’une allusion ou d’un jeu de mots quels
qu’ils soient, à partir du moment où ils comportent une touche
potentiellement salace.
Hier, j’ai encore vécu une journée bien
calme. J’ai bien été terrassé mais par une sieste, pas de quoi fouetter
un chat. Comme à chaque fois, le réveil a été laborieux, avec cette
désagréable sensation de ne pas savoir où je suis et surtout quelle
heure. La période entre le moment où j’ouvre les yeux et celle où,
après avoir regardé le radio – réveil, je réalise que non, ce n’est pas
le matin mais l’après-midi est très perturbante, par manque de repères
sans doute. Même la simple action de me réveiller est une épreuve.
Alors que le matin je m’éveille toujours frais comme un chou, en fin
d’après-midi j’ai l’impression de me débattre dans un baril de mélasse,
ou une assiette de poutine. Désagréable, très désagréable.
Evénement
rare, mon bar était vide. Contrairement à mon réfrigérateur qu’il est
vrai je néglige un peu et est souvent déserté par toute trace de
denrées, je mets un point d’honneur à ce que mon bar soit toujours
pourvu et près à parer toute éventualité de visite impromptue ou non.
Hélas, un trop grand nombre de visites impromptues ou non a décimé ce
dernier et je me suis retrouvé Grosjean comme devant pour recevoir
monsieur F.
Il faut dire qu’en fin d’après-midi, début de soirée
peut-être, j’ai eu le grand plaisir de croiser mademoiselle M., C.A.
pour les intimes, sur le net. Cela faisait une éternité et nous avons
pris le temps d’un apéro virtuel (ah, les apéros virtuels… Quel bonheur
!) Qui dit apéro virtuel, dit apéro. J’ai été obligé de sacrifier
presque tout ce qui me restait, c'est-à-dire presque rien, pour honorer
la tradition et trinquer avec Cuisses d’Acier. Le temps d’échanger les
nouvelles et c’était déjà l’heure de se séparer. J’espère qu’il ne
faudra pas attendre aussi longtemps d’ici le prochain apéro.
J’ai quand même réussi à garder une larme de rhum à offrir à mon visiteur du soir pour sauver mon honneur.
Monsieur
F. est arrivé et je lui ai offert la larme de rhum, mon honneur était
sauf. Nous nous sommes décidés à sortir parce que la larme a vite été
éclusée et qu’il fallait bien songer à trouver une autre source
d’abreuvement. Nous nous sommes rendus au centre ville, désert, de
Troudecul qui n’est décidément pas une ville qui bouge, dans un petit
troquet sympathique par son style et son ambiance. Pas tout à fait
déserté mais pas loin, nous nous sommes installés au comptoir pour un
verre de blanc ou deux. Ni lui ni moi n’étions très en forme et avec
l’aide d’une musique lancinante, nous n’allions pas tarder à sombrer
dans l’apathie, aussi avons-nous changé de crèmerie dans l’espoir vain
de nous requinquer un peu. Nous ne sommes pas allés très loin puisque
le bistrot suivant se trouve à quelques encablures à peine du premier
et du coup, l’air nocturne frais et vivifiant d’octobre n’a pas eu le
temps d’accomplir son effet coup de fouet.
Je fréquente parfois
ce nouveau bistrot (pas nouveau dans le sens neuf mais nouveau dans le
sens que nous venons d’y arriver) sans être un pilier de comptoir.
C’est tout juste si j’y vais une fois ou deux par mois. Pourtant, quand
j’ai commandé un ti punch, le serveur a ajouté de lui-même « sans sucre
». Ouais, je bois le ti punch sans sucre. J’ai été un peu surpris qu’il
s’en souvienne et puis je me suis rappelé qu’en général, quand j’y vais
c’est en compagnie de madame S. et mesdemoiselles N. et E. Ca a dû le
marquer ce grigou. Enfin bref, j’ai eu mon ti punch sans sucre, je l’ai
siroté en matant et commentant sans passion avec monsieur F. les rares
fumelles présentes. Il faut vraiment avoir une pèche d’enfer pour
sortir le jeudi à Troudecul et ne pas s’endormir. Las, nous avons
déclaré officielle la fin de la soirée. Sur le chemin, j’ai imposé un
arrêt bouffe parce que je n’avais pas eu le temps de dîner. Ca tombait
bien, nous passions devant un Kebab miraculeusement encore ouvert à
minuit trente, une heure du matin.
Le vendeur, tout en me
préparant, m’a conté le désagrément qu’il y a à bosser avec des
fumeurs, qui prennent tout le temps des pauses pour s’adonner à leur
vice. Je ne lui ai pas dit que j’étais le seul client, qu’il ne fallait
pas être cinquante pour préparer un kebab et surtout que je n’en avais
rien à battre de son problème. Non, je lui ai dit que la clope était
une drogue et que c’était difficile de ne pas fumer. Il m’a répondu que
lui avait bien réussi à arrêter de mâcher du chewing-gum et que
pourtant, il était gros consommateur. Là, il m’a cloué le bec. Que
voulez-vous répondre à ça ? Bref, j’ai attendu mon kebab, l’ai pris,
l’ai payé en me trompant mais le vendeur s’en est aperçu car c’était à
son désavantage, lui ai remis la bonne somme et me suis cassé. Monsieur
F. m’a raccompagné
J’avais demandé de la harissa. Il m’avait
proposé de la douce ou de la maison. Par mesure de précaution, même si
je mange très épicé d’habitude, j’avais demandé de la douce. J’ai eu la
langue explosée pendant au moins une demi-heure. Comme de bien entendu,
la viande était insipide. Néanmoins, le kebab n’était pas mauvais.
Ensuite, je suis allé me coucher.