1538 : ménage et perte de temps
Comme
tout un chacun un tant soit peu attentif à la propreté de son lieu
d’habitation, je me transforme régulièrement en fée du logis et vaque à
d’aimables occupations comme le passage de l’aspirateur, la vaisselle
et compagnie. C’est ce que j’ai fait hier matin en consacrant au moins
trois heures à ces saines activités. Puis, dans un élan de courage,
insoupçonnable chez moi pourtant, je me suis rendu dans une grande
surface afin de rétablir un niveau honorable de remplissage dans mon
réfrigérateur et mon bar. Pas Carrouf, car je boycotte depuis que je me
suis rendu compte que les prix pratiqués avaient considérablement
augmentés. Vite fait, bâclé, mais suffisant tout de même pour atteindre
l’objectif fixé.
Après
tout ça, je me suis accordé un peu de farniente, en attendant de
retourner – un vendredi, en fin d’après-midi s’il vous plaît – au
boulot, pour une réunion décriée par tous, hormis son instigatrice,
notre proviseure. Il s’agissait de rencontrer les parents pour leur
expliquer les études de leurs rejetons. Je suis tout à fait d’accord
pour dire qu’il est tout à fait légitime qu’ils soient mis au courant
mais de là à convoquer tout le monde, c’est un peu exagéré. Les
professeurs principaux auraient suffi. Ce qui devait arriver arriva,
une pagaille indescriptible d’enseignants parcourant les couloirs à la
recherche de leurs différentes classes, des parents voyant débarquer et
repartir des profs leur expliquant en quelques mots ce qu’ils
attendaient. Soyons réalistes, nous avons tous les mêmes exigences et
je ne crois pas que de se voir rabâcher dix fois le même discours soit
constructif. En ces temps où on demande à tous d’être plus efficaces et
productifs, cette réunion faisait tâche.
Je
m’y suis donc rendu, j’ai accompagné le professeur principal d’une de
mes classes, et l’ai écouté faire son discours devant une assemblée de
quatre parents… dis deux ou trois mots, demandé aux parents s’ils
avaient des questions et devant leur réponse négative, pris congé pour
me rendre dans la salle de mon autre classe. Aucun parent n’était
présent, j’en ai eu fini avec cette réunion. Le temps de traîner un peu
à discuter et j’étais sorti. Une présence maximale d’une demi-heure
pour une réunion qui devait durer une heure trente. J’ai un peu eu
l’impression de perdre mon temps et d’avoir interrompu mon week-end
pour rien. Enfin, j'ai quand même appris que j'avais été élu au C.A. et
que notre liste avait fait un excellent score en raflant près de
quatre-vingt pour cent des sièges. L'autre liste est laminée et j'en
suis ravi car je n'ai jamais vu un syndicat aussi inutile et des
représentantes aussi nulles.
De
retour à l’appartement, j’ai attendu madame S. et mademoiselle E. Elles
sont arrivées un peu plus tard et nous avons pu boire l’apéritif en
pestant contre les réunions inutiles. Puis la discussion a évolué vers
d’autres sujets, même si le boulot est parfois revenu sur le tapis. Je
crois qu’il est impossible de se voir entre collègues et de ne pas
parler travail du tout. Après tout, c’est lui qui a fait que nous nous
connaissons et donc vouloir l’écarter de nos conversations est tout à
fait illusoire. Ce qui est bien avec madame S. et mademoiselle E. c’est
que nous arrivons aussi à parler d’autres choses, comme le sexe,
souvent.
Après
l’apéritif, nous nous sommes rendus, à pied, au centre ville avec
l’idée de tester un restaurant nouvellement installé. C’est un de ces
endroits à l’allure de bistrot, avec très peu de tables, une bonne
ambiance, une nourriture en général assez bonne, conviviale. Nous
n’avions pas réservé et évidemment, l’endroit était bondé. Nous nous
sommes donc rabattu sur un restaurant voisin, du même type mais
existant depuis longtemps, une valeur sure. Miraculeusement il restait
une table et nous avons pu dîner. Conversation animée et agréable,
bonne cuisine quoiqu’un peu frugale quand j’y repense. Vers vingt-trois
heures nous ressortons. Nous rentrons chez moi. Je les invite à boire
un dernier verre – sans arrière-pensée pour une fois – et elles
acceptent. Elles prennent une tisane tandis que je les suis au rhum, et
nous discutons encore. Vers minuit trente, elles prennent congé.
Avant
de me coucher, je crée un profil mytik pour mademoiselle E. qui est
presque décidée à s’y inscrire et m’a demandé mon aide pour rédiger son
annonce. Je prends donc un peu les devants en me disant que si elle
renonce, il n’y aura qu’à effacer le profil. Je bâcle un peu l’annonce
parce que je n’ai pas trop d’idées mais qu’importe, au bout de cinq
minutes, alors que je n’ai pas mis de photo, elle a déjà un mail, deux
flash et deux demandes de tchat. Comme je ne veux pas répondre à sa
place, je me déconnecte du site. Il ne me reste plus qu’à aller me
coucher.