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JAM
28 mai 2005

Qui néglige la musique, ignore l'approche du sublime *

La première phrase d’une entrée est toujours délicate. Si je ne m’écoutais pas, je commencerais pas « je » systématiquement. Heureusement, de temps en temps je m’écoute et fais un effort pour varier un peu. Comme aujourd’hui.

Le rendez-vous était fixé jeudi à quatorze heures, nous sommes donc partis à quatorze heures trente, le temps d’attendre les retardataires. A peine une demi-heure de retard, c’est presque un miracle. Voyage sous le soleil et dans la chaleur mais sans problème, nous nous payons le luxe d’arriver à l’heure. Nous avons même la chance d’assister à la balance du groupe tête d’affiche. L’accueil est royal, les loges confortables même si elles tiennent de l’étuve. Nous la partageons avec le groupe qui ouvre la soirée, ce sont donc une vingtaine de personnes qui s’y trouvent (estimation de la température : cinquante degrés avec un taux d’humidité de cent pour cent)

Le réfrigérateur est miraculeux : les boissons sont remplacées au fur et à mesure que nous les buvons, les membres de l’association organisatrice sont aux petits soins pour nous. L’ambiance est conviviale, l’atmosphère enfumée de beuh.

Ce genre de concerts est un régal, il donne presque l’impression d’être une star et surtout, ils nous épargnent le transport du matos habituel puisque nous n’avons besoin que de nos instruments, le reste étant sur place. A l’heure de la balance, expédiée en une demi-heure, pour cause de retard dans le planning, il me suffit d’arriver avec ma basse et de brancher, tout est déjà prêt. Les conditions de jeu sont admirables, avec des retours pour tous les musiciens ce qui fait que j’arrive à entendre tout le monde, contrairement à d’habitude où je n’entends en général que la batterie et si j’ai un peu de chance le chant et la guitare.

Avec F. nous sortons acheter des cigarettes et en profitons pour boire l’apéro, à la terrasse d’un café tenue par deux femmes d’un certain âge, la mère ayant soixante-seize ans, qui nous draguerons d’une manière éhontée. Nous résistons, passons par une station service, le temps d’acheter du rhum et retournons à la salle pour le souper. Les tables ont été dressées dans la salle même où se déroule le concert, une cinquantaine de personnes prennent place pour un repas simple mais bon (ce n’est pas contradictoire) Il était temps que je me restaure, car les bières destinées à lutter contre la déshydratation, le rhum de l’apéritif, alliés à la fatigue causée par un réveil matinal, étaient en train de m’endormir et de m’envourner.

Retour à la loge pour attendre le début du concert, qui ne tarde pas à commencer, l’horaire est respecté à la minute. Excellente prestation du premier groupe, les locaux, des petits jeunes qui en veulent, doués musicalement et plein d’énergie. Ils sautent partout, esquissent des pas de danse, le chanteur a la niak. Si le groupe n’éclate pas pour les X raisons qui poussent les groupes à éclater et si le talent est une cause de reconnaissance, je pense qu’ils iront loin (hélas, les raisons sont nombreuses pour que cela n’arrive pas)

Le changement de plateau est rapide et c’est à nous de jouer. Nous entrons sur scène et c’est parti pour cinquante minutes. C’est à ce moment là que je m’aperçois que de ne presque jamais répéter est un handicap. Je me plante lamentablement à de très nombreuses reprises. La plupart du temps ces plantages passent inaperçus et ne sont audibles que pour les seuls membres du groupe. Je ne suis pas le seul, car c’est à peu près tout le monde qui n’arrête pas de se planter. Cela se résume à : mauvaise prestation. C’était à prévoir mais c’est énervant. Du coup, après trois ou quatre morceaux, alors que je me suis planté sur tous, je perds le plaisir de jouer sur scène (pas bon) et je n’ai qu’une hâte, que notre set se termine. Ce qui arrive assez vite car nous ne jouons pas longtemps.

Nous sortons de scène déçus par nous-même, dégoûtés d’avoir raté le concert qu’il ne fallait pas rater. Les retours nous consolent un peu, personne ne semble s’être aperçu que nous avons joué comme des pieds. Il n’empêche qu’il y a des soirs où ça le fait et des soirs comme celui-ci, où nous aurions mieux fait de ne pas jouer.

Nous ne pouvons même pas nous consoler en buvant pour oublier : une bouteille de rhum a disparu, une autre a été cassée. Il en reste une à se partager entre de trop nombreuses personnes. Je me sacrifie. De toute manière, les soixante degrés qui règnent ne me donnent guère envie de boire du rhum tiède. Je vais prendre une douche, pendant que la tête d’affiche commence son concert (on entend très bien des douches, je ne perds rien)

Je rejoins la salle où le concert bat son plein. Le groupe existe depuis mille neuf-cent quatre-vingts un et même si les membres qui le forment ne sont plus tous là, on voit qu’on a affaire à des pros. Peu ou pas de nouveaux morceaux mais ils maîtrisent à fond ceux qu’ils jouent. Le concert est excellent. En plus, je ne l’ai pas encore dit, mais les membres du groupe, bien qu’Américains sont très sympathiques et n’ont pas la grosse tête, n’hésitant pas à bavarder avec tout le monde sans faire de chichis. Ce n’est pas le cas de tous les groupes, dont beaucoup, une fois qu’ils obtiennent un peu de reconnaissance deviennent subitement inaccessibles.

Après le concert, direction l’hôtel pour une nuit assez courte, avant de reprendre le chemin du retour.

Une flemme immense a envahi mon vendredi, qui me voit faire sieste sur sieste et regarder deux films avec Clint Eastwood, « le maître de guerre » et « de l’or pour les braves » Un sursaut d’énergie me fait aller jusqu’à Carrouf où je fais mes courses en fermant les yeux pour ne pas voir la laideur qui règne, à laquelle décidément je ne me fais pas. Les clients Carrouf sont laids, je suis l’exception qui confirme la règle. Moi à Carrouf, c’est un peu comme un joyau dans une bouse. Je reste là-bas un minimum de temps avant de m’en retourner.

Ce matin, suite aux trop nombreuses siestes d’hier, je me suis levé à trois heures et demie. Il fait bon, je me crois en été et me promène nu dans mon appartement. Quelques notes de musique, un solide petit déjeuner, une entrée, et j’envisage déjà de redormir un peu.

* Louis Nucera

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