Frédérique, ma coiffeuse
J’arrive à l’instant, après être passé par les mains expertes de Frédérique et un détour par la librairie pour acheter quelques bandes dessinées (je ne suis pas un acheteur compulsif, je hais ce mot mais je suis atteint de fièvre acheteuse)
Un bilan s’impose afin de décider si oui ou non, Frédérique est digne d’être ma coiffeuse. En arrivant, je hume l’odeur du salon, ce que j’avais senti la veille m’ayant déplu. Heureusement, nulle pestilence ne vient agresser mes narines, je suis rassuré. Bon point. Je n’attends pas plus de cinq minutes. Bon point. C’est Frédérique qui va me couper les cheveux, elle me demande de m’installer. Je dois me souvenir de son prénom si je veux retourner dans ce salon. Elle est bavarde. Mauvais point.
Elle commence par me féliciter de m’être lavé cheveux avant de venir. « Vous savez » lui dis-je (je ne la tutoie pas encore) « j’ai pour habitude de me laver » Elle me répond « tous les clients ne font pas cet effort, même pour une coupe sèche » (j’ai demandé une coupe sèche) « certains viennent avec des cheveux qui ne sont pas lavés depuis deux ou trois jours, le cheveu graisse et sont plus difficiles à couper. J’estime que c’est une marque de respect de se les laver. » J’opine car je suis d’accord avec elle et en plus, je pense que j’aurais vraiment trop honte de me pointer avec des cheveux sales. « Je mets donc un point d’honneur à féliciter les clients qui se lavent les cheveux » continue-t-elle.
Deux secondes et trois dixièmes plus tard, elle me fait un compliment sur la couleur de mes cheveux, très rare selon elle (je vous l’avais bien dit que j’avais une belle couleur de cheveux) Bon point, j’aime les compliments. Elle poursuit son babillage quelque temps. Après plusieurs minutes passées à écouter son monologue, je me dis que je dois poser une question.
Je lui demande de m’éclairer sur l’état de ma calvitie, tout en lui précisant que je m’en moque et que je ne lui demande que pour renseignement. Tout va bien, les cheveux sont moins épais qu’ailleurs mais rien de grave. Elle enchaîne sur sa théorie selon laquelle personne n’aime être chauve, ni les hommes, ni les femmes et qu’elle-même déteste trouver des cheveux quand elle se coiffe ou se lave les cheveux (notre conversation a été passionnante)
Puis, vient le petit couplet sur le temps, qu’on se croirait en mars, avec ces incessantes giboulées. Bon point, un coiffeur ne sachant pas parler du temps n’est pas un vrai coiffeur. Je ne lui réponds rien parce que je n’ai aucune opinion sur le temps. Elle attend un instant une hypothétique réponse de ma part et voyant qu’elle n’arrive pas, poursuit sur l’énigme de ma présence ici, puisque c’est ma première visite.
Je lui dis que mon ancien coiffeur a pris sa retraite, que son départ m’a laissé sur le carreau. Elle trouve immédiatement le nom de mon ancien coiffeur car je ne suis pas le premier à venir. Elle ajoute « Les coiffeurs sont difficiles à trouver, les hommes n’aiment pas les grandes chaînes » « C’est cela même » lui réponds-je. Elle poursuit « notre patron vient de partir à la retraite et avec Séverine nous avons décidé de monter une société pour poursuivre » « C’est bien, vous assurez la continuité » « ben oui, c’est un petit salon familial, notre clientèle est majoritairement masculine » rétorque-t-elle » J’arrête là ce dialogue malgré sa truculence car je ne me rappelle plus ce que je lui ai répondu. J’imagine que ma réponse a dû être « oui »
J’ai noté quelques « pour la première fois je vais y aller doucement, je n’ai pas l’habitude » et autres « je vais essayer, j’espère que ça va aller » peu rassurants. Mauvais point. Le client aime être rassuré, il n’a pas envie de confier ses cheveux à une amatrice.
Allons, dans l’ensemble, je suis satisfait. J’ai trouvé ma coiffeuse.
Ensuite, je suis passé par le magasin de bandes dessinées. Celui qui le tient est un incorrigible bavard qui, après que j’ai malencontreusement posé une question, m’a tenu la jambe trois quart d’heures. Heureusement, il était intéressant, j’ai appris beaucoup de choses sur les auteurs de bandes dessinées. Je ne tenais pas à les savoir, mais maintenant que je les sais, je ne vais pas lui en vouloir.