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JAM
15 janvier 2005

Souvenirs - partie I

Ce qui me manquait pour raconter mes souvenirs, c'était l'idée. Car des souvenirs, tout le monde s'en doute, j'en ai plusieurs. C'est la lecture de mon livre qui m'a donné l'idée : je vais raconter mes souvenirs militaires. Car j'ai eu la chance de servir la patrie. Ce qui n'est plus donné à tout le monde.

La première expérience que j'ai eu avec l'amée, le premier contact, ce sont les fameux trois jours, qui à l'époque ne duraient déjà plus qu'une journée. Je situe cette expérience aux alentours de l'année mille neuf-cent quatre-vingt huit. Je ne me rappelle plus exactement de ce que j'ai ressenti lors de la réception du petit papier m'enjoignant de rejoindre la caserne, à Blois, mais tout ce que je peux dire, c'est que cela n'avait rien de positif. Comme beaucoup à l'époque, je n'avais qu'une idée en tête : me faire réformer.

C'est donc la mort dans l'âme que je suis parti. Déjà, je jouais de malchance, alors que des petits veinards ne faisaient que passer la journée là-bas, j'étais convoqué pour le début de l'après-midi, avec pour conséquence de passer une nuit à la caserne. Certes, c'est insignifiant, mais sur le moment, je trouvais cela profondément injuste.

Dans le train, je rencontrais l'ami I., un camarade de promotion, qui venait pour la seconde fois passer ses trois jours. La première fois, il avait tenté de jouer au débile, en ne répondant pas aux tests, ou n'importe quoi. Cela n'avait pas suffit, il était bon pour le service. Voyant cela, il avait décidé de revenir, afin d'avoir de meilleurs résultats pour espérer obtenir une meilleure place. Décision qui s'est révélée très mauvaise par la suite, mais sur l'instant, il ne le savait pas. Le voyage s'est donc bien déroulé, entre papotages et conseils, trucs à faire et à éviter.

Arrivé à Blois, la foule. Une quantité impressionnante de pauvres mecs dans notre genre, tous convoqués à leur corps défendant, tous désireux d'être ailleurs. L'organisation militaire étant ce qu'elle est, un seul bus avait été prévu pour nous transporter, alors qu'il en aurait fallu six. Qu'à cela ne tienne, nous pouvions très bien attendre et laisser les autres passer devant. Après tout, les premiers seront les derniers, et surtout, nous n'étions pas pressés de rejoindre la caserne. Donc, nous avons bu. Des Ricards. Nombreux. C'était bien. Seulement, au bout d'un moment, nous n'avions plus le choix. Il fallait y aller. Nous montâmes dans le bus, nous rejoignimes la caserne.

Première étape, l'infirmerie. Pisser dans un flacon, c'était facile. Avec la quantité d'alcool ingurgitée, je n'eus pas la moindre réticence à leur céder un peu du contenu de ma vessie. Ce ne fût pas le cas de tout le monde, ils furent copieusement insultés et sommés de pisser sur l'heure. Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus. Puis, une batterie de tests, les yeux, les oreilles, la tension et tout le tintouin. Puis tests. Alors là, grand moment. Des questions aussi difficile que : pour jouer au foot, qu'est-ce qui est indispensable : les maillots / l'arbitre / le ballon. Je n'en revenais pas de voir des mecs sécher lamentablement, regarder désespérément leurs feuilles en se grattant la tête. Premiers contacts avec une certaine catégorie de gens qui m'était jusqu'alors inconnue : les illettrés.  Malgré ma bonne note (23/20, il faut vraiment être à l'armée pour obtenir ce genre de notes) je refusais de passer les tests supplémentaires, ceux qui déterminaient qui étaient aptes à devenir sous-officiers ou officiers. Si je devais faire l'armée, ce serait en temps que simple soldat. Donc, fin des activités, vers dix-sept heures. La suite, ce serait un aperçu de ce qui rythmerait ma vie pendant dix mois : l'attente, l'ennui. Le repas, expédié à dix-huit heures, le foyer, où il n'y a rien à faire jusqu'à vongt et une heure trente, le dortoir.

Extinction des feux vers vingt-deux heures. Impossible bien sûr de dormir. Trop chaud, trop bruyant, trop lumineux. Pas l'habitude. Un lit trop petit. Les heures passent très, très lentement. Puis, à la fin de la nuit, je m'endors enfin, pour me faire réveiller presque aussitôt, brutalement.

Se lever, il faut se dépêcher. Se laver, il faut faire encore plus vite. Déjeuner, au lance pierre. Et attendre. Avec pour seule activité, commenter l'imprudence de petits malins qui ont cru bon de faire le mur et qui bien sûr, se sont fait prendre. Nous échafaudons les hypothèses les plus folles, leur sort sera forcément terrible. Ca occupe un peu mais dans l'ensemble, c'est l'ennui qui domine. Au bout de l'attente, la nouvelle : nous pouvons rentrer chez nous... Nous sommes bien content, mais nous ne pouvons nous empêcher de penser qu'ils auraient autant pu nous laisser repartir hier, cela n'aurait rien changé.

Premier contact avec la subtile organisation militaire. Premiers souvenirs. Je n'ai pas réussi à me faire réformer. Il faut dire que je n'avais aucun argument, je n'avais rien préparé et j'étais stupide à l'époque, au point de croire que ne pas remplir mon devoir, me couperait les portes de l'emploi. J'étais con. Ah oui, mon pote I. fût récompensé en étant envoyé chez les commandos parachutistes. Il en a chié.
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