Téléphone-moi
Se lever avec la gueule enfarinée davoir trop peu dormi.
Insomnies. Les gestes sont au rendez-vous, toujours les mêmes, tous les matins.
Jévolue dans un brouillard. Jai eu le temps de songer à cent sujets que je
pourrais aborder dans mon journal. Ma courte nuit les a effacées. Ils me
reviendront, certainement. Et sinon, tant pis.
« Le bonheur est simple comme un coup de fil »
affirme la publicité, ou affirmait car cela fait bien longtemps que je ne lai
ni lue, ni entendue. Mais je confirme. Bonheur dentendre une voix, un souffle,
bonheur dégrener des paroles, parfois sans queues ni têtes, juste parler, pour
écouter le rythme de ma voix et le silence de son écoute.
Je me rappelle maintenant que lun des sujets que je voulais
aborder était ma phobie du téléphone, qui peu à peu se transforme et disparaît.
Je me surprends parfois à loucher sur lappareil, en espérant quil sonne. Il
nest plus mon ennemi, devant lequel je restais muet et maladroit, il est mon
ami. Un ami récent, quencore jai besoin dapprivoiser, que jai peine à
solliciter pour demander plus de bonheur. Un ami, que mes trop longues années
qui me lont fait craindre me font craindre encore, au point que je nose pas
toujours le prendre et caresser ses touches, dun doigt malhabile mais décidé,
pour composer le numéro.
Le temps passe vite ce matin, la sortie des limbes du
sommeil douloureuse. Il est déjà lheure de passer à autre chose, quitter le
clavier pour la salle de bain, la chaise de mon bureau pour la douche, lécran
pour le miroir.