Pudeur
Oublier sa pudeur... Pas évident. Surtout quand on souffre comme moi d'une pudeur tendance pudibonderie. Mon journal a été un premier exercice pour essayer de s'en affranchir. Je ne sais pas si le mot « réussite » vient à lesprit à lexamen du résultat. Jai des doutes. Il fût un temps, aux débuts, où jarrivais à men départir, de temps en temps et oser dire ce que javais envie, sans me sentir trop gêné. Puis, jai pris conscience que le journal était lu (jai déjà raconté lhistoire des dizaines de fois mais je ne men lasse pas) et la pudeur est revenue au galop. Je me suis donc enfermé. Retour à la case départ ou presque. Doù ma lumineuse idée de ne parler que de lanecdotique, sans jamais aborder de sujets pouvant mettre à mal un tant soit peu, cette pudeur, qui ne mest pas chère, loin de là, mais plutôt oppressante, liberticide. Jen rajoute un peu, cest bon pour la dramatique.
Soit, il marrivait de temps en temps de sortir des sentiers battus, souvent sous linfluence de lalcool, il faut bien lavouer, mais là aussi, jai trouvé la parade depuis longtemps : je ne me relis pas. Comme ça, jai lexcuse de lignorance pour nier avec conviction avoir jamais franchi les barrières de ma pudeur. Jassouvissais mon besoin (B) décriture (que souvent déjà jai mentionné mais là aussi, je ne me lasse pas de le répéter, inlassablement) en ne prenant aucun risque. Tout allait bien.
Quelques alertes ponctuelles, sans conséquence notable, altérèrent de temps en temps, ce statu quo. Des incidents sans importance mais désagréables (du genre révélation de lidentité ou découverte du journal par un proche) On sen remet vite, je men suis remis.
Puis, est venu le moment où cette situation ne ma plus convenu. Cest récent. Jai décidé que je navais aucune raison de laisser cette pudeur encombrante me dicter ma conduite et donc dessayer dinsuffler plus dintimité dans mes écrits, que je me mette à nu. Quelques entrées prometteuses sont venues récompenser mes efforts. Quelques rares entrées. Car je ladmets, ce nest pas encore ça. Loin de là. Dun côté la volonté de se découvrir, de lautre, les regards des lectrices (et aussi des lecteurs) les habitudes tenaces, les peurs irrationnelles. Me voilà obligé de combattre contre moi-même. Je naime pas ça. Dailleurs, je naime me battre contre personne. A la limite, cest encore moi que je préfère combattre plutôt quun autre. Au moins je connais mes limites et je saurai me préserver. Trop peut-être. Jai la désagréable habitude (encore une habitude) davoir énormément dindulgence pour ma petite personne. Cest ainsi. Cela ne veut pas dire que cela ne peut pas changer, nest ce pas ? On sy emploie, on sy emploie Je réclame du temps.
Ne pas se battre non plus sur tous les fronts, ce ne serait pas raisonnable. Car jai aussi décidé, il y a quelques temps, darriver à apprendre à exprimer mes sentiments. Bon, les deux sont liés, le front nest pas si large que ça. Car sans pudeur, quest ce qui mempêcherait dexprimer mes sentiments ? Ah oui, je sais : je ne sais pas exprimer mes sentiments. Il me manque les mots, les gestes, les attitudes. Je ressens et rien ne sort de moi. Merde, en plus dune carapace extérieure, jen ai également une interne, qui coupe tous mes désirs dexpressions. Heureusement, une carapace se perce. Les mots sapprennent, les gestes et les attitudes aussi. Apprendre et digérer. Car je ne veux pas jouer les sentiments, je veux les exprimer profondément et sincèrement (exprimer, car je ressens, je nai pas toutes les tares tout de même) Du boulot. Encore du boulot. Le jeu en vaut la chandelle.
Où voulais-je en venir au fait ? Ah oui ! Je sais. Il est des événements qui parfois vous font vous rendre compte que même si vous avez décidé de quelque chose, ce nest pas pour autant que vous lobtenez immédiatement. Ce nest pas parce que jai décidé de combattre ma pudeur que celle-ci est vaincue. Elle a la peau dure, la charogne.