Je suis unique
Il m'arrive de réfléchir. Oh ! Cela ne dure jamais très longtemps et surtout, ma réflexion n'est jamais très poussée, mais il m'arrive de prendre le temps de penser à un sujet particulier.
Pause clope : je me rends à la cuisine, roule une cigarette, m'aperçois que ce n'est que la deuxième de la journée. Comme il est déjà sept heures et que je me suis levé à quatre heures trente, je trouve que j'ai été très raisonnable. Cela dit, j'ai pensé un bon millier de fois depuis mon réveil que j'irais bien fumer une cigarette. Limiter à une pièce de l'appartement mon droit de fumer est presque aussi difficile que d'arrêter complètement. Je fume ma clope devant la fenêtre ouverte et me dis que la matinée est particulièrement agréable. Le ciel est bleu, l'atmosphère légère, la fumée de ma clope se mélange à l'odeur délicieuse de ce matin. Les ouvriers du bâtiment dont le point de ralliement est à côté de chez moi, se retrouvent pour aller travailler et j'ai une pensée émue pour eux, moi qui suis en vacances. Ils me les rendent plus agréables encore. Je me dis : « Allez, au boulot bande de feignasses ! » Fin de la pause clope.
J'en reviens à ce que j'écrivais. Oui, il m'arrive de réfléchir. Et ce matin, je pensais au comportement artificiel du diariste ou bloggeur, quand il s'agit de son journal ou blog. Pour plus de facilité, je ne vais plus écrire que diariste, mais ce que je dis est valable pour les bloggeurs (valable pour moi) L'égocentrisme du diariste a été maintes fois écris, chanté sur tous les toits, dans toutes les tonalités. Le diariste en est persuadé : il est égocentrique. Par rapport à cela, il ne peut adopter que deux attitudes : clamer avec force que oui, il est égocentrique, qu'il assume, qu'il emmerde ceux que cela emmerde ou alors... En fait, ce n'est pas cela du tout dont il était sujet dans ma réflexion. C'était bien d'attitude dont je voulais parler, mais pas par rapport à l'égocentrisme, par rapport à la banalité. Je reprends. L'un des arguments très fréquemment servi par les ennemis du diarisme est la banalité. Leur message est, je résume : ta vie est banale, inintéressante, par conséquent arrête d'en parler. Des années que je lis ce genre de message. En réponse à cette attaque ou même la devançant, beaucoup de diaristes préviennent que oui, leur vie est banale, qu'elle est merdique, que c'est grande honte que d'en parler mais que voulez-vous, impossible de faire autrement (j'en faisais partie jusqu'à maintenant) D'autres ne réagissent pas de la même manière mais je ne me rappelle plus comment ils réagissent, je n'en parlerai donc pas. Seule cette première réaction m'intéresse puisqu'elle me concerne.
Je n'aime pas la réaction que j'ai eue pendant des années, ce profil bas adopté malgré moi, pour ne pas avoir une image d'égocentrique trop prononcée. J'ai donc décidé de changer d'attitude.
J'annonce donc à mes lectrices (à mes lecteurs aussi) que j'ai une vie extraordinaire, que chaque seconde que je vis est plus belle que dix de vos vies, que je n'ai jamais envié personne, jamais désiré un seul instant avoir la vie de quelqu'un d'autres, que je suis incapable de répondre à la question imbécile de certain tests : « Et si vous étiez quelqu'un d'autre ? » parce que je ne veux être personne d'autre que moi. Pire ! Non seulement je trouve que j'ai une vie extraordinaire, mais je me trouve extraordinaire. Je ne suis ni le plus beau, ni le plus intelligent, ni le plus gentil, ni le plus intéressant, mais je suis le plus subtil équilibre qui puisse se trouver, je suis un chef d'oeuvre d'harmonie et je pleure tous les matins de n'avoir aucune chance de rencontrer quelqu'un tel que moi, puisque je suis unique.