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JAM
6 janvier 2005

Pas bien la vengeance mesquine

J'ai failli me battre. Oui. Avec un élève. Oui. Ca craint. Bah non, ça arrive. L'incident est arrivé ainsi. Le TP se déroulait depuis déjà deux bonnes heures à l'atelier. Il faut que je précise un peu, sinon c'est difficile à comprendre. Je suis enseignant dans une matière professionnelle, ma classe c'est un atelier, de dimensions respectables, environ un terrain de basket. C'est à dire que les élèves sont répartis un peu partout dans l'espace, cachés par des machines et il est impossible de tous les avoir à l'œil. Heureusement, nous sommes habituellement deux enseignants, ce qui permet de croiser les regards pour une surveillance accrue. Voilà, le décor est planté, ce n'est pas plus mal ainsi. Donc disais-je, le cours se déroulait plutôt normalement, bien que l'atmosphère soit électrique avec des dizaines de petites provocations (y'a des jours comme ça) Habitué à ses pics de tensions, je n'y faisais pas tellement attention. Toujours est-il qu'à un moment donné, je repérais un élève avec un béret sur la tête. Ce qui bien sûr a eu le don de m'agacer prodigieusement (merci l'armée de terre pour le formatage, je ne supporte plus qu'on porte un couvre-chef à l'intérieur d'un bâtiment) j'approchais de lui avec la souplesse du félin et la discrétion du crotale (je ne sais pas si un crotale est discret, mais j'imagine) et d'un coup sec du poignet, sûr et précis, je le lui retirais et lui confisquais. J'avais bien repéré qu'il n'était pas à lui mais comme il appartenait à un élève qui avait eu le don d'être particulièrement pénible par son comportement et son attitude, je n'avais aucun remords.

Content de ma prise, j'allais ranger celle-ci dans mon armoire, afin de remettre la à qui de droit et de surtout préciser qu'il ne devait pas la récupérer avant le lendemain (ce qui est je l'avoue est une punition particulièrement sévère, imaginez un peu, sortir dans la rue sans béret, ça craint) Pour être honnête, je savais que je jouais avec le feu et que vu l'ambiance générale, la situation risquait de dégénérer (je les connais mes loustics) Evidemment, l'autre l'appris et venait me voir pour récupérer son bien. Ce que je refusais tout net, lui disant qu'il le retrouverait à la vie scolaire. Agacements. Premières récriminations. Rien n'y fait. Il s'en va (je continue au présent, c'est plus simple) Pour revenir presque aussitôt avec un bonnet sur la tête. Bien sûr, je lui confisque. Il me dit alors que maintenant que j'ai le bonnet de l'élève qui portait son béret, je pouvais le lui rendre. Je lui réponds que non mais qu'ils pourraient tous deux récupérer leur bien à la vie scolaire. Je reconnais que ce n'était pas bien malin de ma part, mais comme il m'avait énervé, je me suis réjoui de cette mesquine vengeance (je suis faible) Re-énervement, le ton monte. Enfin, il a l'air de s'avouer vaincu et repart. Je vaque tant bien que mal à mes occupations habituelles (mais vu le climat, j'étais surtout occupé à essayer de surveiller tout les élèves un peu agités et agacés par l'affaire) Bon, ça a l'air d'aller, je fais un peu moins attention, ou plutôt je prête attention à ce qui normalement est vraiment mon travail, l'enseignement, quand en me retournant, je vois l'élève s'éloigner de l'endroit où se trouve mon armoire.

Je repère tout de suites les objets confisqués dans sa main. Alors là, je suis franchement énervé. Je n'aime guère qu'un élève fouille dans mes affaires personnelles. Très agacé, je me précipite vers lui, en élevant le ton, lui enjoignant de me les rendre. Il refuse bien sûr. Je m'obstine. Il n'avait pas à prendre des affaires dans mes armoires. Le ton monte, il commence à me tutoyer, à s'énerver encore plus, à placer son visage d'un air de défi devant moi. Il est tout rouge d'énervement et si je m'étais regardé dans la glace à ce moment là, je suis sûr que moi aussi. Les autres élèves, ravis de l'incident, on formé un cercle autour de nous et encourage l'élève, lui prodiguant des conseils, l'excitant. C'est un peu le bordel. Ma collègue, un peu dépassée par l'événement et n'osant pas trop se frotter aux gaillards, ne sait pas trop quoi faire pour calmer le jeu et ne dis rien (je la comprends) C'est là que je comprends que ma vengeance mesquine se retourne contre moi, la garce. Je sais que maintenant je ne peux que gagner, si je tiens à conserver quelque autorité (c'est nul, mais c'est comme ça) Je n'ai le choix qu'entre deux solutions, continuer à tenir bon en espérant qu'il craque ou alors ah non, je n'ai pas le choix finalement.

Je ne sais pas combien de temps l'affrontement dure mais finalement, grâce à l'intervention heureuse d'un élève (caïd de banlieue, grosse influence sur les autres élèves, ennuyé par l'incident qui tombait à l'heure où la cloche allait sonner) qui demande à l'autre de me donner son béret qu'il n'a pas que ça à faire. Il me le rend. D'une certaine manière, je suis heureux que cela s'arrête mais d'un autre, je me dis que c'est quand même une défaite, car il a fallu une intervention extérieure, d'un élève qui plus est, pour que l'élève cède. D'un autre côté, je suis bien conscient qu'il lui était impossible de me céder à moi, devant un public constitué par ses camarades. Il aurait perdu la face et je suis certain qu'il préférait tout sauf ça. Finalement, l'intervenant extérieur était indispensable pour que chacun puisse laisser tomber dans une espèce de statu quo, qui s'il ne règle rien, fait retomber la pression.

car c'était vraiment à deux doigts de dégénérer. Pour ma défense, je dirais que j'étais fatigué par une semaine assez longue, par des élèves dissipés et provocateurs. Les provocations ont beau être minimes, elles finissent par s'accumuler. Je n'étais pas dans les conditions optimales pour gérer l'affaire. Voilà tout.

Cependant, je ne me fais pas de souci. Quand bien même je me sois fait pas mal d'ennemis dans l'affaire, je sais que demain est un autre jour. De plus, je suis persuadé que même s'ils sont désagréables à vivre, ces incidents permettent à chacun d'évacuer un peu de pression. Il fallait voir l'excitation des élèves, les paroles qui sortaient de leurs bouches, vengeresses et provocatrices. Combien en ont profité pour dire ce qu'ils avaient sur le cœur, profitant de l'excitation du moment ? Pas mal. C'est vrai que les relations profs/élèves dans ce genre de sections sont souvent tendues, basées sur un rapport de force, de confrontation. Quand une soupape est ouverte, ils s'y engouffrent. Mais cela ne prête pas à conséquence, bien au contraire. Je suis presque certain que la semaine prochaine ils seront beaucoup plus tranquilles et sereins.

Quant à moi, je ne m'en fais pas. Mon énervement a mis un peu de temps à retomber (environ une demi-heure) et depuis, tout va bien. J'ai réfléchi à la portée de l'incident, j'ai agi aussi, parce que malgré tout, il ne faut pas que j'oublie ce qui a été dit contre moi et les actes commis. J'ai demandé qu'une exclusion temporaire de l'établissement soit prononcée contre ces élèves. Dur peut-être. Mais obligatoire.
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Commentaires
P
Mouais... en effet ça craint !<br /> Tenir tête au prof,le provoquer, devant tout un groupe excité, et avoir le dessus, c'est dans l'ordre des choses si j'ose dire ! Et l'intervenant extérieur, le "caïd", j'en suis à me demander si ce n'est que l'heure de la sortie qui l'a fait réagir ainsi, il peut être chef de bande, mais avoir eu l'intelligence de se dire que de toutes façons ça sentait mauvais pour eux cette histoire (pfff moi, comme dans les Choristes, je crois toujours qu'on peut en tirer quelque chose de ces fortes têtes !)<br /> En tous cas tu as eu la bonne attitude : garder ton sang froid, et l'exclusion temporaire. Biz
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