Le rendez-vous était donné à dix-neuf heure. Nous
Le rendez-vous était
donné à dix-neuf heure. Nous devions rencontrer les organisateurs d'un concert
où nous jouerons en juin. A l'heure dîte, nous sommes partis en expédition dans
un bled paumé.
Là c'est le paragraphe où, si j'avais le sens de l'observation, j'aurais décrit
les lieux, un café de village. Tout ce que je me rappelle, c'est que le
comptoir était étroit, pas plus de cinq personnes pouvant s'y tenir, le sol, en
dalles rouges, pâtinées par le temps et inégales, formant des trous qui nous
fera dire en fin de soirée que le sol était en pente - en pente mes fesses,
c'est l'alcool plus les trous qui donnent cette impression, la cheminée, où
flambait un feu d'enfer - j'adore les images audacieuses -, les tables de la
partie restaurant, avec leurs belles nappes en papier blanc, les couverts
attendant les clients et les clients - absents -, la salle où nous avions
rendez-vous, une salle à manger également, avec donc sa grande table avec sa
belle nappe de papier blanc mais sans les couverts parce que nous n'étions pas
là pour manger mais pour discuter. Voilà tout ce dont je me rappelle des lieux.
La décoration, rurale sans doute, ne m'a pas marquée à part peut être la
collection de cartes postales sur le côté droit du bar quand on est client ou à
gauche quand on est patron, cette inévitable collection que tous les bars de
tous les villages possède et même parfois à la ville, témoignage de la fidélité
de la clientèle, trop heureuse d'envoyer à son bistrot préféré le souvenir
impérissable de femmes nues de tous les endroits du monde. Il y a certainement
des photos de paysages magiques mais je n'ai accroché qu'à celles de femmes
nues. Allez savoir pourquoi.
Dans ce bar bien sûr, il y avait des gens. Le comptoir était bondé puisque cinq
personnes étaient en train de picoler. Un vieillard chenu (j'aime bien ce mot)
tout vouté, tout ridé, le béret vissé sur la tête, la canne en main, affalé sur
un tabouret comme n'importe quelle entraîneuse de bar à militaires sauf que là,
c'était moins appétissant. Finalement non, exactement comme un entraîneuse de
bar à militaire car elles ne sont pas toujours très appétissantes elles non
plus. Je ne me rappelle plus ce qu'il buvait le papy mais par contre, je me
rappelle qu'il cadrait très bien avec les lieux, il se fondait dans le paysage,
tel un caméléon (je vous ai déjà parlé de mon amour pour les images audacieuses
?) et je n'ai pas été surpris de le voir là. A côté le patron de l'autre
bistrot du village. Il n'était pas là parce que c'est son jour de fermeture et
que donc pour picoler il doit aller à la concurrence mais parce que c'est le
co-organisateur du concert. Peut être qu'il était aussi là pour picoler mais
là, c'est une pure hypothèse. Un jeune donc, avec un maillot de foot (je crois)
comme c'est sans doute à la mode dans nos campagnes comme dans nos quartiers
défavorisés sauf que dans nos quartiers défavorisés les équipes ne sont pas les
mêmes sauf si c'est Paris ou Marseille car j'ai remarqué qu'en matière de
maillot de foot, Paris et Marseille étaient souvent présentes. Pareil, je n'ai
pas fait attention à l'équipe qu'il arborait sur son tee-shirt parce que
franchement le foot, hein ? Les deux autres personnes étaient les DJ de la
soirée concert car pas un concert de village sans DJ, c'est bien connu. Des DJ
de la première heure, la quarantaine, pas de ces DJ actuels que je ne connais
pas et que je n'ai pas envie de connaître tant ils ne sont pas intéressant. Là
c'était des piliers indéboulonnables du mix, des anciens piliers
indéboulonnables de la radio libre (mais finalement déboulonnés parce que les
radios libres ont été éradiquées depuis bien longtemps maintenant) Reste le
patron du bar, un jeune un peu moins jeune que l'autre patron, la petite
quarantaine ou alors une fin de trentaine comme on voudra de toute manière on
s'en fiche. Un tee-shirt, pas à la gloire d'une équipe de foot mais avec un
dessin humoristique. Certainement humoristique bien que je ne me rappelle
absolument plus du dessin. Voilà pour les gens. La réunion se passant dans la
salle à manger décrite tant bien que mal dans le paragraphe précédent, nous
nous y sommes rendus, non sans avoir commandé un verre sur injonction du
patron. Si je compte bien, tout les clients du bar se sont rendus dans la salle
à manger sauf le vieux. Je ne sais pas où il est passé celui-là. Peut être le
patron l'a t'il rangé dans un placard attendant le lendemain pour le ressortir
où alors c'est le modèle mobile de vieux et dans ce cas là il a pu rentrer chez
lui. Toujours est-il qu'il a disparu. Et du coup le bistrot était vide. On s'en
fout.
La réunion a commencé par un toast porté à nous (y'a pas d'mal) et les
présentations. Présents, les deux patrons de bar, les deux DJ, un membre de
l'autre groupe de la soirée et nous (nous sommes venus à quatre) Le premier
quart d'heure un peu froid, c'est normal, dans les campagnes l'acceuil des
étrangers n'est pas souvent chaleureux, méfiance de paysan. Sans compter que la
réunion ayant pour objet les problèmes d'ordre technique et que de nous quatre
personne ne s'y connaissait, que les patrons de bars n'y connaissaient rien du
tout, ça n'aide pas. Tant bien que mal, nous arrivons à définir nos besoins et
préparer l'organisation. Je résume mais ça a bien pris une heure et au moins
deux autres tournées (mais sans toast parce que trop de toasts tue le toast)
Après une heure et deux ou trois tournées, l'atmosphère est évidemment moins
glaciale et l'ambiance plus détendue. Pour fêter ça, tournée. Discussions
diverses sur les groupes, les Sarkos (nouvel argot pour flic ou gendarme) qui
font bien du mal au commerce de l'alcool, les connaissances communes (le monde
est tout petit et en fin de compte il s'avère que tout le monde connaît tout le
monde ou presque) Discussion entrecoupée bien sûr de quelques tournées (le
nombre exact, je ne m'en rappelle plus trop) La réunion se termine quand même,
il est presque minuit, sur une tournée ultime au cours de laquelle nous portons
un toast (à la rencontre, au concert à venir, aux dispositions prises,...) Fin
de la soirée.
Retour prudent parce que même si le conducteur s'est arrêté de boire en cours
de soirée, ce n'est pas sûr du tout qu'il n'explose pas les limites (je sais,
ce n'est pas bien mais nous sommes tombés dans une embuscade et n'avons pas vu
le coup venir) Nous décidons d'aller manger un bout parce que quand même, cinq
heures d'apéro sans manger autre chose que des gâteaux apéritifs ça ne remplit
pas le ventre. Hélas, le lundi à minuit et quelques, il n'y a pas beaucoup de
restaurants ouverts. Il y en a même aucun. Déçus par cette atteinte à notre
estomac, nous abrégeons la soirée.
Demain, début des concerts de la semaine, en extérieur. Ca pleut, ça caille, ça
craint. En plus la scène n'est pas bâchée. Je crois que le concert n'aura pas
lieu.